Un futur en pointillés : comment maintenir une approche stratégique

Rikki Cavanagh
05.05.25 10:05 AM - Commentaire(s)

J’ai assisté à un événement la semaine dernière, organisé par l’Association des hôtels du Grand Montréal, où nous avons eu le plaisir d’entendre Jean Laneville, directeur et économiste au Centre d’intelligence d’affaires de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, parler des prévisions pour 2025. Comme beaucoup d’autres dans le monde, sans considérer la position politique, il a exprimé ses inquiétudes face à l’incertitude que créent les tarifs douaniers sur le marché. Même la Banque du Canada a publié deux scénarios possibles pour les perspectives économiques. Si même les meilleurs économistes du pays ne savent pas à quoi s’attendre avec les nouvelles politiques commerciales en place, comment peut-on avoir confiance en des prévisions basées sur des données historiques, qu’elles soient générées par des humains ou par des machines?

Depuis des années, on observe une réduction de la fenêtre de réservation, donc peut-être que la demande va s’accélérer, même si on remarque un certain retard. Ou peut-être pas. On ne sait pas à quoi s’attendre en ce qui concerne la demande dans les mois à venir. Les Canadiens vont-ils vraiment annuler leurs voyages aux États-Unis? Les Américains vont-ils continuer à voyager au Canada? Les déplacements à l’intérieur du pays vont-ils augmenter? Et si oui, est-ce que ce sera dans les marchés qui ont historiquement piloté la demande au Canada (Montréal, Toronto et Vancouver)? Ou vivra-t-on un scénario semblable à celui de 2020, où tout le monde cherchait à fuir les foules? Je pense qu’on peut dire sans se tromper qu’il y a beaucoup d’incertitudes en ce moment, et il est facile de se perdre dans tout ce qu’on ne sait pas.

Alors, prenons un moment pour nous concentrer sur ce que nous savons.

  1. On connaît nos coûts, en grande partie. Les coûts peuvent augmenter en raison des tarifs douaniers, donc ça vaut la peine de revoir nos fournisseurs et de planifier en conséquence.

  2. On sait qui sont nos concurrents. Selon qui voyage et quand, notre ensemble concurrentiel peut changer. Mais on connaît les hôtels présents sur notre marché et on sait lesquels surveiller pour avoir une idée de ce qui se passe.

  3. On connaît notre valeur et notre positionnement sur le marché. On sait tous avec quel hôtel on doit être compétitif sur le prix, et lequel on ne peut tout simplement pas égaler. On sait quels hôtels offrent un service inférieur au nôtre et sont donc plus abordables.

  4. On sait que de baisser les tarifs ne crée pas automatiquement de la demande pour une destination, mais on sait aussi qu’un prix plus bas peut parfois déplacer la demande d’un hôtel à un autre, dans une même destination.

  5. On sait ce que nous avons en réservations, ainsi que nos politiques d’annulation.

  6. On connaît notre fenêtre de réservation typique selon la période. On sait si notre performance dépend davantage de la météo ou des performances de notre équipe de hockey aux séries.

  7. Nous savons qui nous sommes et ce qui reflète la culture de notre hôtel. Privilégie-t-on le taux d’occupation ou le revenu moyen par chambre? Est-ce que notre image de marque comme établissement de luxe est trop importante pour être compromise par des rabais dans le but de ?

Face à l’incertitude, il est essentiel de se concentrer sur ce qu’on sait et ce qu’on peut contrôler. Et à partir de là, on peut commencer à agir. Jean Laneville a dit dans sa présentation la semaine dernière que toutes ses connaissances sur les politiques économiques sont remises en question dans le contexte actuel. Les gestionnaires vont gérer cette situation comme ils l’ont fait dans d’autres périodes d’incertitude. Les stratèges vont en profiter pour sortir des sentiers battus, envisager de nouvelles approches, délaisser le modèle classique de l’offre et la demande pour se concentrer sur la valeur perçue et la disposition à payer. Personne ne nous reprochera si nos prévisions sont erronées cette année — alors profitons-en pour essayer de nouvelles choses et en tirer des apprentissages.

Rikki Cavanagh